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NFT et Play-to-Earn : une nouvelle industrie, un nouveau droit

Numérique et juridique

NFT et Play-to-Earn : une nouvelle industrie, un nouveau droit

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Connaissez-vous le play-to-earn, jouer pour gagner de l’argent ? Cette publication a pour objectif d’expliquer les principaux enjeux juridiques des jeux vidéos Play-to-Earn (P2E) et de leurs NFT associés.

Qu’est-ce qu’un Play-to-Earn ?

Un nombre croissant d’éditeurs de jeux vidéo a recours aux NFT (Voir notre article dédié à la question : NFT de l’IP au fiscal) pour optimiser l’attractivité du jeu et permettre aux joueurs d’en tirer des bénéfices financiers, en fonction de leur investissement temporel et financier. Ces jeux vidéo, qui sont appelés Play-to-Earn (P2E), se différencient en ce qu’ils génèrent des actifs numériques, en l’occurrence des NFT, en contrepartie du temps et des performances réalisées à travers le jeu. En participant à l’économie du jeu, les joueurs créent de la valeur pour les autres joueurs et les développeurs. Ce modèle économique de jeu-vidéo est dans la droite ligne des « tokenomics  » des projets web 3.0 souhaitant octroyer structurellement des profits aux utilisateurs en fonction de leurs contributions, à la différence du web 2.0 structuré autour de plateformes accessibles gratuitement mais conservant l’ensemble du profit réalisé à partir des contenus produits et partagés par les utilisateurs et des informations recueillies sur les utilisateurs.

Certains éditeurs de jeux-vidéos concentrent leur production sur ce type de jeux vidéo, c’est le cas de Dapper Labs, à l’initiative du jeu CryptoKitties permettant de collectionner des Kitties (chatons) sous forme de NFT. Un jeu dont la popularité en 2018 a créé un engorgement de la blockchain Ethereum en raison du volume de transaction entre les détenteurs de NFT de CryptoKitties. Depuis, cette même société est à l’initiative du jeu NBA Top Shot qui consiste à acquérir des vidéos d’actions de match de basketball sur support NFT, générant un chiffre d’affaires de plus de 200 millions de dollars par mois.

Ces jeux ont évidemment un avenir sur mobile, Mechachain est un P2E sur mobile, basé des NFT, mettant en scène des robots ou « méchas » qui s’affrontent dans des arènes. Sa sortie sur Android et IOS est prévue en 2024. Les P2E ne cessent de se développer et les éditeurs de jeux vidéo cherchent à atteindre un maximum de joueur. Ubisoft aide le financement de Dogami, jeu mobile, ayant l’ambition de bâtir le petaverse, l’équivalent du metaverse pour les animaux de compagnie. Cela permet aux joueurs d’adopter et d’élever des chiens virtuels via les NFT et de gagner des tokens $DOGA. Ces jetons permettront aux utilisateurs d’acheter des accessoires pour leurs animaux ou encore participer à des évènements virtuels. « Chez Ubisoft, nous sommes convaincus que la blockchain, qui crée de nouvelles possibilités pour les joueurs et les développeurs, est la clé de l’avenir du jeu vidéo. Nous pensons que Dogami partage cette vision et contribue à faire connaître les jeux blockchain auprès du grand public », commente Nicolas Pouard, vice-président du Strategic Innovation Lab d’Ubisoft.

Play-to-Earn, usage des NFT et propriété intellectuelle

Les NFT soulèvent certaines problématiques juridiques dans le domaine de la propriété intellectuelle. Leurs liens avec les droits d’auteurs sont des enjeux à prendre en compte pour les éditeurs de jeux vidéo. Les NFT, au même titre que d’autres jetons, peuvent se voir associer par leur émetteur des droits (droit d’usage, droit de propriété intellectuelle, droit à livraison d’un bien, droit à réalisation d’un service…). Ils sont utilisés, dans certains jeux, pour permettre aux utilisateurs d’obtenir des skins (tenue, allure d’un personnage) ou toutes sortes d’avantages. Si les personnages de jeux vidéo remplissent les critères d’originalité, ils seront considérés comme œuvre de l’esprit, bénéficiant d’une protection au titre du droit d’auteur.

L’enjeu pour les éditeurs de jeux vidéo P2E est d’encadrer la vente de NFT liés à des personnages, objets et univers susceptibles d’être qualifiés d’œuvres de l’esprit. L’objectif est d’établir les droits dont bénéficie le joueur en achetant un élément du jeu qui constitue également une œuvre de l’esprit. L’absence d’attribution formelle de droits liés aux NFT dans les conditions de vente du jeton est une source importante d’insécurité juridique pour le cédant comme pour le cessionnaire.

Le skin ou le personnage, faisant l’objet d’une œuvre de l’esprit, obtenu via les NFT en guise de récompense dans les jeux P2E, peuvent être protégés par le droit d’auteur au même titre qu’un personnage de bande dessinée ou d’un film d’animation. Ainsi, le joueur ayant obtenu cette récompense ne devrait pas pouvoir utiliser son personnage dans un autre jeu. Si le monde du jeu vidéo ambitionne d’établir une interopérabilité, cela sous-entend que le personnage d’un jeu A pourra être utilisé dans un jeu B. Ainsi, le personnage sera représenté à un public nouveau. Or, le droit de représentation de l’œuvre dans un autre jeu, est un des droits patrimoniaux dont seul l’auteur bénéficie à l’égard de son œuvre (excepté la cession de droit et de l’œuvre tombée dans le domaine public). L’auteur pourra alors faire valoir ses droits et empêcher une telle utilisation de l’œuvre. C’est pourquoi, l’achat ou l’obtention de NFT basés sur une œuvre de l’esprit représente un intérêt relatif au regard de la cession de droits qu’il emporte. A l’inverse des droits moraux dont bénéficie l’auteur, les droits patrimoniaux peuvent se céder, encore faut-il que cette opération fasse l’objet d’un contrat. La portée exacte de la cession (supports, médias, territoire…) devra être précisée dans ce contrat (Article L131-3 du CPI).

Droit de la consommation et NFT dans les jeux vidéo

Le droit de la consommation impose un certain nombre d’obligations aux acteurs souhaitant vendre des biens numériques à des personnes physiques sous forme de NFT. L’éditeur de jeux vidéo, en sa qualité de vendeur de NFT est débiteur d’informations précontractuelles (C. consom., art. L. 111-1) « loyales, claires et transparentes » sur les droits et obligations des consommateurs en matière civile et fiscale (C. consom, art. L. 111-7). Ces informations précontractuelles ne sont pas uniformes, elles doivent être adéquates et proportionnées à la complexité du bien commercialisé. Cela sous-entend que les éditeurs de jeux vidéo devront informer l’acquéreur sur l’étendu des droits dont ils bénéficient en achetant le bien. Cela comprend aussi le fonctionnement de la blockchain, qui est un élément indissociable du NFT. Il convient également d’informer l’acquéreur sur son éventuel droit de rétractation. Toutes ces informations auxquelles le vendeur est soumis impliquent d’identifier la nature exacte des NFT et d’en expliciter l’usage et l’utilité.

De nombreuses obligations complémentaires seront exigées des opérateurs avec l’entrée en vigueur e au niveau européen du Digital Market Act qui prévoit de nouvelles règles à l’encontre des « plateformes qui ont une forte incidence sur le marché intérieur, qui constituent un point d’accès important des entreprises utilisatrices pour toucher leur clientèle, et qui occupent ou occuperont dans un avenir prévisible une position solide et durable » (Commission Européenne). Ces règles, qui ont pour objectif de défendre le consommateur, s’appliqueront aux plateformes commercialisant des NFT.

Les incertitudes des DAO de jeux vidéos

Les DAO sont des organisations autonomes décentralisées. Elles se rapprochent des sociétés en participation ou du modèle associatif. Les règles de fonctionnement des DAO sont programmées avec des smart contracts sur blockchain. Les utilisateurs qui possèdent des cryptos actifs ou jetons de gouvernance (droits de vote) peuvent participer à la prise de décisions de manière décentralisée. La DAO permet à tout propriétaire de jeton de gouvernance de pouvoir s’introduire dans les forums de gouvernance pour proposer une idée.

Du fait de sa décentralisation et de son immuabilité, une DAO ne peut théoriquement être fermée. Certains jeux vidéo P2E, comme Flappy Doge intègrent une DAO permettant par exemple aux détenteurs de jetons de gouvernance de voter pour les jeux susceptibles d’intégrer l’écosystème et plus largement de prendre des décisions sur la ligne éditoriale du jeu à travers les DAO. Les droits de gouvernance peuvent être intégrés à des jetons d’utilité classiques (notamment des ERC 20) ou à des NFT (notamment des ERC 721).

Le cadre juridique des DAO est encore incertain. Les DAO, eu égard à leur absence de personnalité juridique, peuvent s’apparenter à une société créée de fait. De telles organisations peuvent octroyer à leurs participants des bénéfices tout en les obligeant à supporter les pertes sans même qu’un contrat de société soit conclu. Une société créée de fait est soumise au régime de société en participation (article 1873 du code civil). Ainsi, « chaque associé contracte en son nom personnel et est seul engagé à l’égard des tiers » (article 1872-1). Ce qui a pour conséquence l’irresponsabilité de la DAO, seuls les participants seront débiteurs, à l’égard des tiers, de leur engagement.

On rencontre aussi une certaine similitude entre le fonctionnement de la fiducie et de la DAO, dans les deux cas il s’agit bien d’opérations « par laquelle un ou plusieurs constituants transfèrent des biens, des droits ou des sûretés, ou un ensemble de biens, de droits ou de sûretés, présents ou futurs, à un ou plusieurs fiduciaires qui, les tenant séparés de leur patrimoine propre, agissent dans un but déterminé au profit d’un ou plusieurs bénéficiaires ». Ce qui permet une dissociation entre le patrimoine personnel du fiduciaire et le patrimoine de la DAO. Le contrat doit également être déclaré au registre national des fiducies, ce qui implique l’identification, par divers moyens (adresse via la blockchain par exemple), des participants.

NFT interopérables sur des métavers et jeux-vidéo différents

Sans interopérabilité un joueur qui achète ou gagne un objet, une personne, un skin ne peut les utiliser que dans un jeu-vidéo spécifique. Avec les NFT, les métadonnées liées à l’objet numérique sont stockées sur une blockchain et non sur un registre géré par l’éditeur du jeu-vidéo. Il est donc envisageable de penser une utilisation des objets numériques dans des jeux-vidéos différents du même studio voire même de studios différents.

Des métavers comme OVR, double numérique du monde réel avec des expériences en réalité augmentée, souhaitent mettre l’accent sur les NFT interopérables et permettre aux utilisateurs ayant acheté des NFT artistiques ou émis par d’autres studio de jeux-vidéo de les utiliser dans le métavers OVR.

Dans le monde du jeu vidéo, cela permettra de mélanger toutes sortes de jeux, de skin, de décor. Il est ainsi possible d’envisager de permettre à détenteur de NFT d’utiliser un joueur de Fifa dans l’univers de Mario ou inversement dès lors que l’interopérabilité technique et légale est acceptée par les éditeurs de jeux.

Des travaux au niveau des organismes de normalisations, comme l’ISO ou l’ITU, pourraient également favoriser cette interopérabilité entre métavers et actifs numériques émis par des métavers distincts.

L’enjeu des Scholars en droit du travail

Un véritable marché secondaire des NFT a émergé et permet aux joueurs d’acheter et de revendre des éléments du jeux en réalisant des bénéfices.

Des détenteurs de NFT s’associent à des joueurs en prêtant à ces derniers des NFT donnant des avantages dans le jeu vidéo P2E et permettant d’optimiser les profits réalisés dans le jeu. Ces « partenariats » entre détenteurs de NFT sont appelés Scholar.

Le phénomène des Scholar s’est développé avec le jeu Axie Infinity, où des détenteurs de NFT particulièrement couteux proposent à des « travailleurs » du jeu-vidéo ces partenariats et modes de répartition des gains dans le jeu P2E entre le détenteur de NFT et le joueur utilisant le NFT dans le jeu.

Le statut de ces joueurs reste à définir. Certains d’entre eux reçoivent une rémunération en contrepartie d’heures passées sur le jeu au profit du « client ». Ainsi, ces missions s’apparentent à des prestations de services entre joueurs. On assiste à une forme d’« ubérisation » du jeu vidéo.

Certains joueurs seront payés pour accumuler les récompenses pour un autre joueur afin qu’il puisse, à son tour, bénéficier des récompenses (NFT). Le régime le plus adapté à ce type de pratique reste celui de l’autoentrepreneur.

De telles opérations doivent être encadrées, en effet, si certains éditeurs de jeux mettent à disposition ces prestations, de nouvelles problématiques apparaissent. La nature du contrat et le régime applicable dépendra du rapport entre le joueur et l’éditeur du jeu. Le critère à vérifier est celui de la subordination. Pour déterminer le droit applicable, il faut établir la nature de la relation de travail. Pour cela, il faudra vérifier si le joueur reçoit des directives telles que des horaires précis de connexions, des conditions dictées par l’éditeur quant à l’exercice de la prestation, un nombre d’heure de connexion. Ces indices permettront d’établir le lien de subordination, synonyme de requalification en contrat de travail. Même si le statut d’autoentrepreneur comprend une présomption de non-salariat, il s’agit d’une présomption simple, qui pourra être renversée par la preuve du lien de subordination. S’il est établi qu’il s’agit d’un contrat de travail, le détenteur du jeton et/ou l’éditeur du jeu seront qualifiés d’employeur et devront répondre aux exigences relatives à ce statut. C’est pourquoi les éditeurs de jeux vidéo devront être particulièrement vigilants pour encadrer ces pratiques car la plateforme n’est généralement pas à l’initiative de ces Scholars mais à l’origine des récompenses accordées aux joueurs.

Certaines plateformes comme Steam se sont opposées à l’utilisation de NFT dans les jeux-vidéo, certains éditeurs de jeux-vidéo classiques ont également renoncé à l’intégration de NFT dans leur jeu en raison d’une opposition de leur communauté, comme par exemple pour STALKER 2. Si le P2E ne fait pas l’unanimité auprès des joueurs, ce modèle est en train de transformer en profondeur l’industrie des jeux-vidéos de manière encore plus rapide que lors de l’apparition des jeux massivement multijoueurs (MMORPG) ou des jeux Pay-to-Win. De nouveaux enjeux juridiques émergent avec la financiarisation des pratiques au-delà des jeux de hasard et d’argent, encadrés en France par l’Autorité de régulation des jeux en ligne (ARJEL) et des compétitions d’esport bénéficiant de dotations.

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