Vers un cadre légal européen pour les NFT avec MiCA?
Les jetons non fongibles ou non fungible tokens (NFTs) sont au cœur de l’évolution du secteur de la culture et du divertissement par le numérique. D’applications multiples (luxe, culture, jeux vidéo), ces jetons évoluent sur une blockchain et se caractérisent par leur caractère unique, non interchangeable et spécifiquement identifiables. Les NFTs interrogent le droit et posent question sur le régime juridique à leur appliquer.
Le 14 mars 2022, les eurodéputés ont étudié la proposition de règlement MiCA (Market in Crypto Assets) qui devrait encadrer les activités sur actifs numériques ouvrant la voie à une entrée en vigueur du texte d’ici 2024. Le Règlement se présente comme « propice à l’innovation » et ne vise pas à « entraver l’utilisation de nouvelles technologies ».
Alors que la version de la commission européenne de la proposition de règlement MiCA était très allusive sur les NFT, la version modifiée par le Parlement européen explicite cette notion pour exclure du champ du règlement les usages les moins problématique des NFT du champ d’application du futur règlement.
Quel est l’esprit du règlement MiCA ?
La proposition de règlement MiCA du Parlement Européen et du Conseil sur les marchés de crypto-actifs (modifiant la directive (UE) 2019/1937) s’intéresse principalement aux conditions d’émission des jetons numériques et encadre le statut des prestataires européens de services sur actif numériques.
Par l’instauration d’un cadre juridique, les députés européens prônent la transparence, la communication et l’autorisation des transactions. Plus concrètement, la régulation entend atteindre un difficile équilibre entre confiance des consommateurs, des souscripteurs et développement des services numériques dans l’espace européenne.
En grande partie inspirée de la loi Pacte française, la proposition de règlement MiCA vise principalement à renforcer la protection des usagers et affirmer une volonté d’encadrer les marchés. Le texte présente au demeurant des insuffisances en termes de fiscalité notamment et plusieurs approximations et incohérences quant à son champ d’application matériel, notamment à l’égard des NFT.
In fine, l’Union européenne n’a pas pour volonté de réglementer les actifs numériques en tant que tel. Elle tend plutôt à encadrer les acteurs et activités relatives à ces actifs.
Que prévoit concrètement le projet de règlement MiCA ?
La proposition entend encadrer plus précisément :
- Les offres au public de jetons : ainsi, les émetteurs devraient se conformer à diverses obligations. Ils auraient l’obligation de publier un livre blanc (sauf exception). Ce livre blanc est un document recueillant les informations concernant un projet. Cette livre blanc, issu des usages du secteur est déjà une obligation actuellement en droit français dès lors que le visa de l’AMF est sollicité.
- Les prestataires européens de services sur actifs numériques : la fourniture de services sur actifs numérique au sein de l’espace économique européen nécessiterait d’obtenir l’autorisation de l’autorité compétent.
- Les émissions de jetons : ainsi, les jetons visés par le texte sont les jetons utilitaires (utility tokens), les jetons de monnaie électronique (supervisés par l’Autorité bancaire européenne) et les jetons se référant à un actif (sont visés ici notamment les stablecoins).
Par ailleurs, ladite proposition a fait couler beaucoup d’encre quant à son interdiction initiale d’émission de crypto-actifs reposant sur des protocoles de preuves de travail (PoW), comme Bitcoin ou Ethereum et ce, en raison de considérations essentiellement climatiques. L’amendement visant à interdire ce procédé de minage a finalement été repoussé, au grand soulagement des défenseurs de cette industrie émergente.
Qu’en est-il des NFTs ?
La proposition de règlement MiCA excluait les NFTs dès lors que ces derniers :
- ne disposaient pas de propriétés propres aux instruments financiers ;
- ne pouvaient servir de moyen de paiement ;
- n’agissaient pas comme des jetons utilitaires donnant accès à des produits ou services.
Néanmoins, les NFTs uniques et qui ne peuvent être fractionnés ou acceptés comme moyen de paiement, comme de simples points de fidélité, qui représentent des droits de propriété intellectuelle, des certificats d’authenticité d’un bien physique, étaient simplement exclus du champ du règlement sans davantage de précisons. Au demeurant, la seule attribution d’un identifiant unique ou leur désignation, description ou appellation en NFT ne suffit pas in fine à les exclure totalement du champ d’application du texte.
En outre, à la lecture des modifications opérées et donc de la nouvelle version amendée par le Parlement, les considérants 8 (a) et (c) présentent des développements importants pour l’avenir des NFTs non assimilables aux instruments financiers. Il y est notamment laissé entrevoir une future réglementation spécifique pour ces derniers sous l’égide de la Commission européenne, qui prendrait en compte les spécificités et besoins du secteur culturel et du divertissement.
MiCA : une nouvelle ère pour la zone euro ?
La dernière version de la proposition de règlement européen MiCA revient également sur la limitation de la faculté d’émission de jeton aux personnes morales en l’élargissant aux personnes physiques, un point particulièrement important pour les artistes et une évolution souhaitée notamment par le Groupe de travail « NFTs et marché de l’art » de l’Institut Art & Droit Sous-groupe « Règlementation des NFTs d’œuvres d’art ».
Malgré des améliorations notables, la proposition de règlement MiCA ne fait pas l’unanimité et le futur de ce texte reste incertain dans un contexte international concurrentiel où les monnaies numériques de banques centrales (MNBC) commencent à émerger, à l’image du e-yuan. Cette schizophrénie ressort de textes qui tentent de concilier des enjeux divergents à la lumière de l’ensemble des autres dispositifs législatifs en cours d’élaboration.
En parallèle se déroule d’autres négociations au niveau européen, dans le cadre du paquet législatif relatif à la lutte anti-blanchiment, adopté par la Commission européenne le 20 juillet 2021, ces mesures sont destinées à saper l’anonymat des transactions en cryptomonnaies afin de pouvoir mieux lutter contre les pratiques illégales. Celui-ci inclut une proposition visant les transferts de cryptomonnaies, intégrée dans la révision du règlement sur les informations accompagnant les transferts de fonds. Cette proposition consisterait à imposer aux fournisseurs de services de paiement des obligations d’informations sur l’émetteur et le bénéficiaire des transferts en cryptomonnaies.
Ce nouveau régime juridique devrait néanmoins renforcer la confiance des consommateurs dans les cryptoactifs. La mise en œuvre du Règlement se fera très certainement de manière progressive afin d’éviter toute interruption brutale des activités de la part des acteurs européens.
Cet article a été préparé par Marion Deleporte (stagiaire Legal Brain promotion 2022) et Matthieu Quiniou (associé fondateur).
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