Métavers de Facebook : sommes-nous juridiquement prêts ?
Facebook s’est renommé « Meta » pour mieux souligner sa transformation vers le metaverse. Cet univers parallèle pourrait aussi métamorphoser le droit que nous connaissons. En effet, si le concept n’est pas nouveau, son développement n’est pas sans poser de nouvelles questions tant sur le plan théorique, technique que juridique.
Que désigne le métavers ?
Un métavers (« metaverse » en anglais) désigne tout univers différent du nôtre, c’est-à-dire tout monde virtuel. Mais la définition a plusieurs variantes. Pour certains, un métavers désignerait tous les mondes virtuels connectés à internet perçus en réalité virtuelle. Pour d’autres, il s’agirait de la description du futur de l’internet où des espaces virtuels, persistants et partagés seraient accessibles via des intéractions 3D. Le métavers que Facebook veut créer serait en quelque sorte une « doublure » de notre réalité. Accessible grâce à une connexion internet,les individus se projeteraient sous la forme d’avatar et pourraient se rencontrer dans les conditions les plus proches possibles de la réalité. L’un des objectifs pourrait être de construire un monde alternatif en 3D, similaire à celui que nous connaissons. La création d’un tel monde impliquerait bien évidemment des réformes législatives massives et ce dans plusieurs domaines du droit.
La question des crimes et délits dans le métavers
On constate déjà, de nombreuses dérives au sein de ces espaces dématérialisés (escroquerie, diffamation, injures, pédopornographie etc.). Les auteurs de ces infractions dans les jeux vidéos en ligne sont condamnés au même titre que les auteurs des mêmes infractions commises dans la « réalité » car en effet, « là où la loi ne distingue pas, il n’y a pas lieu de distinguer » (Ubi lex non distinguit nec nos distinguere debemus).
S’il est très peu probable que le PDG de Facebook autorise le vol entre utilisateurs, il est probable que ce dernier soit possible. Devra-t-on appliquer le régime juridique applicable dans la réalité à celui du métavers ? Ou faudrait-il opter pour la création d’un régime particulier à ce type de vol ? Rappelons ici que, concernant le vol, l’infraction, pour qu’elle soit constituée, implique la soustraction de la chose d’autrui certes, mais cette chose doit, en principe, être un meuble corporel selon la jurisprudence (Alger, 24 mars 1911). Cela dit, il est vrai que la jurisprudence a aussi admis que certaines choses immatérielles puissent être considérées comme des choses au sens de l’article 311-2 du Code Pénal. C’est le cas de l’électricité par exemple (Crim., 3 août 1912) ou des données informatiques (Crim., 20 mai 2015 n°14-81.336).
De nombreuses questions pénales peuvent également se poser concernant notamment le code de la route. Si le métavers propose de pouvoir conduire des véhicules, est-ce que le code de la route devra être respecté ? Le fait de renverser un autre avatar dans le jeu tombera-t-il sous le coup du droit pénal (et du droit civil) ? Encore faut-il que le métavers prévoit la « mort » des avatars, sinon la dernière question n’aurait aucun sens.
Du droit de la consommation… au droit du travail
Mark Zuckerberg a également annoncé qu’il sera bien entendu possible d’effectuer des achats dans le métavers, ce qui va naturellement bousculer le Code de la consommation. Les dispositions actuellement en vigueur seront-elles applicables également pour des achats effectués dans le métavers ? L’article L.221-1 du Code de la consommation précise, par exemple, que pour qu’un contrat reçoive une telle qualification, il faut que le consommateur et le commerçant soient présents physiquement. Alors pourra-t-on affirmer qu’être présent sous la forme d’un avatar dans le métavers est identique au fait d’être présent physiquement dans le « vrai monde » ? Si la question est négative, alors il sera nécessaire de considérer que ce type de contrat est un contrat dit « à distance ». Il pourrait ainsi être difficile de déterminer la loi applicable.
Le métavers de Facebook devrait également proposer la possibilité d’organiser des réunions dans des espaces virtuels. Dans cette nouvelle réalité, les salariés des entreprises pourront ainsi interagir avec leurs collègues et utiliser par exemple un tableau comme dans une salle de réunion classique . Qui sera le détenteur des travaux en ligne ? Comment et par qui les salariés seront-ils contrôlés ? Faudra-t-il créer un régime juridique nouveau ou bien tout simplement copier celui déjà applicable en matière de télétravail ?
Métavers, décentralisation et NFT
Beaucoup d’autres questions se poseront avec l’arrivée de ce monde parallèle. En effet, il est très probable que le commerce au sein des métavers soit basé sur les NFT (non-fongible tokens), accélérant davantage l’importance de ces jetons contre les monnaies officielles. A la différence du projet de métavers de Facebook, des métavers décentralisés reposant sur la blockchain comme Decentraland, OVR ou encore Cryptovoxels proposent l’acquisition de terrains numériques associés à des jetons non-fongibles (NFT) que seul le titulaire du jeton peut administrer et sur lequel il est le seul à pouvoir construire. Les éditeurs du métavers délèguent donc de manière irréversible à des détenteurs de jetons des droits de publication et d’édition dans leur métavers, complexifiant les enjeux de responsabilités civile et pénale évoqués précédemment. L’utilisation des NFT dans les métavers, notamment celui de Facebook, société déjà impliquée dans le projet de crypto-monnaie Libra/Diem, devrait se généraliser et amplifier ce phénomène de vente de biens immatériels.
Il faudra également pouvoir déterminer la loi applicable et la juridiction compétente pour traiter les litiges. Le métavers étant international, les litiges pourront par exemple opposer un utilisateur européen et un utilisateur d’un « pays tiers » (hors UE). Dans ce cas, si chacun saisit le juge de son État, cela conduirait à des conflits de juridictions plus nombreux. Il est enfin possible d’imaginer que le métavers permettra pour la première fois à une société de contrôler tous les aspects de ses nouveaux “citoyens”. Dans ce cas nos droits seront-ils aussi “virtuels” ?
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Article publié sur le site de La Tribune
Maître Yann-Maël Larher, Avocat au Barreau de Paris
Maître Matthieu Quiniou, Avocat Au Barreau de Paris
& Florian Pesce, juriste